Survolté

La fièvre du samedi soirEn France comme aux États-Unis, c’est une idole. Son nom reste intimement lié à « La fièvre du samedi soir » et à « Grease », deux comédies musicales hautes en couleur. Pourtant, c’est dans un superbe thritter: « Blow out », de Brian de Palma, tout en violence et en demi-teinte, que John Travolta donne sa véritable mesure. A la veille de la sortie vidéo de « Blow out », et au lendemain du bon accueil sur grand écran de « Stayling Alive », Vidéo 7 a rencontré pour John. Tout simplement. « You should be dancing, yeah !… » claironnent les Falsetto Brothers alias the Bee Gees. Sur ce, un jeune homme de vingt quatre ans bondit sur la piste d’une discothèque en se trémoussant furieusement. La chorégraphie, ultra efficace, se résume à un pas devant et trois sauts de côté, le tout savamment dosé par un tortillement frénétique des hanches. Non, non, il ne s’agit pas de l’élection de Mister et Miss Aérobic.

John TravoltaNous sommes en 1978. Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, Saint Disco vient d’être intronisé en la personne de l’inimitable John Travolta. Rappelez vous le fameux costume blanc et la non moins célèbre chemise noire garantie pure polyester. Souvenez vous du regard vert-bleu lubricoracoleur et de l’incroyable brushing tendance loubard endimanché. Les années soixante-dix peuvent respirer et se terminer tranquillement, elles ont doublement trouvé un style de musique et une star-symbol pour les représenter. Il faut dire que l’alerte a été chaude : entre un Marion Brando reclus, qui grossit à vue d’œil (et de cachet) et les Pacino, de Niro et autres adeptes du « non, je vous jure que je ne suis pas une vedette ! », nous avions de moins en moins l’occasion de jouer aux groupies purs et durs. Heureusement que surgit alors Jojo Travolta, entraînant dans son sillage les rescapés d’une « Fièvre du samedi soir » de torride mémoire. Cinq ans après, notre héros nous fait le coup du « coucou, me revoilà » dans « Staying alive », une suite musclée et bien huilée (Stallone oblige) aux tribulations de Tony Manero, le héros de « La fièvre du samedi soir ». Afin de prêcher la bonne parole et vanter les mérites de son dernier film, John le messie parcourt inlassablement les routes d’Europe et du Japon, flanqué par une tribu aussi bruyante que fournie. Il semble désormais évident que Travolta croit dur comme fer aux vertus de la smala du genre « Papa, belle maman, mon neveu, mon coiffeur, ma secrétaire et moi ». Mais il est seul devant les quelques journalistes triés sur le volet (dont Vidéo 7, of course !) lors de sa dernière visite en septembre à Paris. Costume cravate couleur crème, la démarche féline et l’air absent, il fait son entrée avec quarante minutes de retard sur l’heure prévue. L’acteur commence d’abord par scruter ses interlocuteurs, apparemment anxieux de savoir à quelle sauce il sera croqué. Aucun ennemi visible n’ayant été décelé à l’horizon, John Travolta se soumet avec une gentillesse désarmante au feu roulant des questions dont on l’assaille de partout. Oui, il est une star et il adore ça : « Quand je sors de chez moi pour marcher tranquillement et que les fans me bousculent, je suis heureux, je me sens revivre, aimé… ». Non, le succès de Richard Gere, son soi-disant rival, ne le gêne pas : « Il y a de la place pour tout le monde dans ce métier et puis, vu le nombre de demandes, il faut bien se partager les tâches ! ».

gday usa gala arrivals 2 150112Oui, oh que oui, il est content d’être considéré comme un sex-symbol : « Je prends cela pour un compliment. De toute façon, on ne peut pas réussir dans le cinéma sans sex-appeal, même si j’essaie de ne pas trop polariser les gens sur ce seul aspect. Je suis narcissique dans la mesure où cela peut m’aider dans ma carrière, pas davantage ». Sur un plan plus futile, il dément perdre ses cheveux (« Tout va pour le mieux de ce côté, vous pouvez vérifier… »), il déclare aussi ne pas comprendre pourquoi on taxe d’office les stars masculines d’homosexualité dès qu’elles accèdent à la célébrité. Un jeune journaliste en profite pour demander a Mister Travolta ce qu’il pense du Sida. Stupeur dans la salle. L’assistance se divise alors en deux camps : d’une part, ceux qui lancent des « Tss, Tss » vaguement choqués et, d’autre part, ceux qui sont persuadés qu’un brin d’insolence n’a jamais fait de mal à personne. L’acteur, lui, répond simplement que « It’s very désolant ». La curiosité de ses interlocuteurs enfin assouvie, John peut se mettre à raconter Travolta. Il évoque ses débuts d’un ton détaché, sans nostalgie excessive : »Au départ, c’est ma mère, une ancienne actrice de théâtre, qui m’a communiqué sa passion des planches. A seize ans, j’ai laissé tomber mes études pour devenir comédien. J’avais la vague impression de me lancer dans le vide, mais d’un autre côté, j’étais intimement persuadé qu’un jour ou l’autre, je deviendrais quelqu’un d’important ». En attendant son heure de gloire, notre graine de star monte à New York où il obtient des rôles de figuration dans des spots publicitaires. Le hasard (et sa frimousse) faisant bien les choses, il est ensuite engagé dans des pièces de théâtre à Broadway avant d’apparaître dans des séries télévisées telles que « The rookies », « Owen Marshall » et surtout « Welcome back Kotter », où il fait sensation dans le rôle de Vinno Barbarino, une petite frappe inoffensive, mais John Travolta rêve d’autre chose… En 1975, il fait ses débuts sur le grand écran, dans « La pluie du diable », une sombre histoire de messes noires où il n’apparaît que très brièvement aux côtés d’Ernest Borgnine. Son film suivant, « Carne », s’inscrit dans la même lignée mystico-satanique ; il y est dirigé par un Brian de Palma au mieux de sa forme. Il a pour partenaire Nancy Allen qu’il retrouvera en 1981 dans « Blow out » … toujours sous la houlette de Palma. Le comédien n’a pas le rôle principal de « Carne », mais il se fait remarquer par des gens de la profession. Pauline Kael, une critique américaine redoutée, écrit à propos de sa prestation : « John Travolta est un garçon charmant, il a tout d’un Warren Beatty néanderthalien ! ». Ce n’est pas un commentaire très gentil, mais l’intéressé reconnaît aujourd’hui que cette description correspond quelque peu à son comportement d’alors : « J’avoue que j’étais, à l’époque, un vrai paquet de charme, une sorte de primaire roulant des mécaniques et incapable de prononcer des mots allant au-delà d’une syllabe ». En 1976, Travolta est le héros du « Garçon dans une bulle de plastique ». Cet émouvant téléfilm raconte le drame d’un adolescent obligé de vivre isolé du reste de son entourage à cause d’un déficit immunitaire dont il est atteint. Ce téléfilm se révèle important pour l’acteur et ce, pour deux raisons : d’abord, le réalisateur en est Randal Kleiser, le futur metteur en scène de « Grease », ensuite, c’est au cours du tournage que John s’éprend de Diana Hyland, sa partenaire féminine. Elle a dix-huit ans de plus que lui et ce détail fait la joie de nombreux échotiers qui se glosent à n’en plus finir sur le côté pittoresque de cette relation. C’est durant cette période que John Travolta fait la connaissance de l’Australien Robert Stigwood, producteur de « Jésus Christ Superstar » et de « Tommy », et également le manager des Bee Gees.

John Travolta3Il est emballé par un reportage paru dans le « New York magazine » où on y raconte comment la jeunesse américaine se retrouve le samedi soir dans les night-clubs pour y écouter un nouveau son musical, le disco. La décision est prise : cet article deviendra un film dont le titre est déjà trouvé : « La fièvre du samedi soir ». Les Bee Gees composent les chansons. Stigwood décide de confier le rôle principal à Travolta, lui offrant ainsi une opportunité fabuleuse de passer du presque anonymat à la plus fulgurante des gloires. Le succès commercial du film constitue une véritable explosion au box-office américain, et Travolta se voit attribuer l’Oscar du meilleur acteur, le 4 avril 1978. Encore une illustration du rêve américain fleurant bon l’argent, la célébrité et l’amour, me direz-vous. Et bien non, car on apprend en même temps que Diana, la compagne de John, meurt des suites d’un cancer. La presse du cœur et le fan-club de l’idole font alors preuve d’une compassion bien voyante tandis que le reste des Etats-Unis s’en émeut, tout simplement Quelques mois plus tard, Travolta tourne « Grease » face à Olivia Newton John jusqu’ici chanteuse de variétés et qui effectue là des débuts très remarqués au cinéma. Comme dans son précédent film, l’acteur lève gaillardement la jambe, gratifiant sa partenaire d’un « Youououou’re the one That I want » d’illustre mémoire. Le film, produit par l’inévitable Stigwood, se classe d’emblée parmi les dix plus gros succès du cinéma américain, confirmant John Travolta dans sa position de superstar incontestée. Le comédien assume plus ou moins bien son nouveau statut, accumulant allègrement les signes extérieurs de vedettariat : villa à Beverly Hills, limousine de luxe et avion privé (les mauvaises langues ajoutent à ce tableau : grosse tête et fragilité extrême). Deux événements se chargent alors de modifier le cours des choses : d’abord, « Moment by moment » (le temps d’une romance) que John tourne aussitôt après « Grease » est un échec. Enorme. « Le public n’a sans doute pas accroché à cause de l’intrigue , explique John aujourd’hui. Et puis, Dieu sait combien Lily Tomlin, ma partenaire dans ce film, est pétrie de talent, mais le couple qu’elle formait avec moi n’était pas très crédible ». Le second coup dur pour l’acteur est le décès de sa mère des suites d’un cancer. Travolta encaisse mal cette nouvelle épreuve et sombre dans une longue dépression. Il s’enferme dans une tour d’ivoire, refusant les projets qu’on lui soumet (comme « American gigolo », par exemple) doutant même de ses propres capacités. « Je garde de très mauvais souvenirs de cette période, nous avoue Travolta 83. D’un côté, je n’arrêtais pas de me demander ce qui avait cloché dans « Moment by moment ». J’avais hâte de faire autre chose pour me sortir de ce mauvais pas. D’un autre côté, et sur un plan plus personnel, j’avais de plus en plus tendance à bloquer mes sentiments envers autrui. Après la disparition de Diana et de ma mère, je ne voulais plus m’impliquer, avec qui que ce soit. Je me suis en quelque sorte refermé sur moi-même ». John choisit de faire sa rentrée cinématographique dans « Urban cowboy » de James Bridges, qui sort sur les écrans américains en Juin 1979. On l’y découvre « grande gueule », amoureux de l’explosive Debra Winger et sacrifiant à la mode « countrywestern » qui fait fureur en ce moment. Le film obtient un succès d’estime, ainsi que « Blow out » qu’il tourne deux ans après sous la direction de Brian de Palma. Il y incarne un ingénieur du son, témoin d’un accident de voiture et qui se retrouve mêlé à une sombre machination politique. Ce film offre à Travolta l’opportunité de démontrer une fois pour toutes ses réels dons de comédiens ; la critique américaine ne se fait pas prier pour l’encenser, ce qui ne manque pas de le surprendre, lui, l’ancienne bête noire des intellos. « Je reconnais que « Urban cowboy » et « Blow out » ont largement contribué à faire évoluer mon image, avoue l’acteur. Pour ce dernier film, je n’ai pas hésité à me vieillir dans le but de mieux coller à mon personnage. Je veux que les spectateurs s’habituent à ce que je change de look de film en film ». Excellente résolution qui ne remporte malheureusement pas une très large adhésion populaire, d’où un rapide retour aux sources et au personnage de Tony Manero, le héros de « La fièvre du samedi soir ». En 1983 et pour les besoins de « Staying alive », John va désormais « travoltiser » à la sauce jazzrock. Le fameux costume blanc de « La fièvre du samedi soir » est remplacé par un mini string afin que nul n’ignore la « stallonisation » de l’idole, à savoir des muscles comme s’il en pleuvait, stratégiquement placés sur tout le corps. Travolta enfin rassuré et dopé par le succès, évoque ses projets immédiats : il sera un chanteur de rock que la célébrité déboussole dans « Fire », le prochain film de Brian de Palma et ce, juste après avoir retrouvé Olivia Newton John dans une comédie intitulée « Two of a kind ». L’acteur parle aussi de son désir de tourner aux côtés de son grand copain « Jirar Dipardiou », sous la direction de Truffaut, Lelouch ou peut-être même Antonioni, qui sait… Cet éclectisme vous étonne ? Un Travolta peut toujours en cacher un autre !

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