Une suceuse de bouteilles, une éponge qui dégouline en permanence, une outre sans fond, une serpillière à whisky. Sue Ellen Ewing est une pochetronne de salon, une alcoolique imbibée, qui boit pour oublier une déchirure béante et parvenir à poser tout sourire dehors au milieu de la famille Ewing. Avant de rencontrer IR, elle avait été une Miss Texas idéale, au brushing ampoulé, les ongles impeccablement nacrés, la chemise de cowboy légèrement cintrée, le sourire incroyablement blanc, les dents alignées, les seins voltigeurs, le cul généreux. Elle était la reine de beauté des braisières, la madone des grillades en plein air, la muse des sauces barbecue, la cheerleader idéale: celle que tous les étudiants forts en football rêvent de toucher.
En épousant JR, elle a bien cru devenir la reine du pétrole. En guise de liquide abrasif, elle a dû se contenter des inépuisables réserves d’alcool de la famille Ewing. Sue Ellen s’est mise à boire parce que JR préfère sauter ses secrétaires. Au bout du compte, elle boit parce qu’elle ne peut s’empêcher de le désirer, lui, le seul capable de la satisfaire pleinement, de lui faire l’amour en lui faisant mal: tout ce qu’elle désire réellement.
Les autres hommes dont elle est tombée amoureuse, trop gentils, étaient fatalement décevants: ils étaient la voie de la désintoxication, la voie morne de l’ennui. Lorsqu’elle se met à boire, lorsqu’elle rechute après une période de sevrage, Sue Ellen retrouve une sorte de beauté fatiguée.
Son regard se vitrifie, elle perd un peu de son assurance feinte, elle devient un beau fantôme ivre. Son corps semble alors planer, ses yeux se creusent, ses cernes ploient légèrement. En déshabillé évanescent, maculée par les taches d’alcool et les coups de son mari pervers, elle est l’héroïne méconnue de Dallas, la Texane la plus érotique et la plus désirable de toute la télévision.