La culture en Chine

Saviez-vous qu’un enterrement chinois fait toujours au moins un heureux? Qu’en Chine du Nord, il faut éviter de conduire de nuit, sous la pluie, ou encore d’emprunter les minuscules routes indiquées en rouge sur la carte routière et qui se tortillent comme autant de vaisseaux capillaires? Que la plupart des pompistes sont des jeunes femmes et qu’elles donnent souvent une paire de gants de conduite en coton blanc lorsque vous faites le plein? Qu’il faut particulièrement se méfier des Volkswagen Santana noires parce que, dans la campagne chinoise, elles sont fréquemment occupées par des cadres intermédiaires du Parti communiste, les conducteurs les plus agressifs de tout le pays? Malheureusement, on croise beaucoup de Volkswagen Santana noires dans le nord de la Chine. Tout cela – et bien d’autres choses encore -, je l’ai appris en traversant en voiture la Chine du Nord.

symbole chinois

Ignorant quelle serait la réaction des autorités chinoises devant un étranger voyageant seul, j’avais pensé qu’il était plus sûr de faire mon périple en deux temps, à l’automne et au printemps. À bord d’une jeep de location, muni d’une tente et d’un sac de couchage, je suis parti de Pékin en direction de l’ouest pour sillonner les routes de campagne qui longent ce que l’on appelle la Grande Muraille.
Tout au long du siècle dernier, ce symbole de la Chine a fait l’objet d’interprétations totalement fantaisistes, à tel point que beaucoup pensent encore qu’il s’agit d’un seul et même ouvrage. Or, la Chine du Nord est parcourue de nombreux murs différents, édifiés par autant de dynasties. Ce n’est qu’à l’époque moderne, sous la double influence d’idées fausses venues de l’étranger et entretenues par le patriotisme chinois que les anciens remparts ont été symboliquement désignés par un mot unique. En réalité, la Grande Muraille n’est pas continue, l’ensemble de la structure n’a pas plus de deux mille ans et elle n’est pas visible de la lune.
À la poursuite d’un mythe qui a déjà fait couler beaucoup ci’ encre, j’espère rencontrer en chemin des gens qui m’aideront à démêler le vrai du faux. Non pas des chercheurs ou des spécialistes, mais des Chinois ordinaires qui, habitant près des anciennes fortifications, auront leur propre vision du passé et du présent.

Je pars à l’automne, au moment où, dans la province du Hebei, les récoltes ont été abandonnées à dessein sur la route, attendant d’être battues par les voitures qui passent. Les grains de millet, de sorgho et de blé craquent sous mes roues. Épousant le sommet des collines, les vieux murs dominent le paysage tel des mirages de pierre. Un simple coup d’œil au vide-poche de la voiture me permet d’évaluer la’ distance parcourue: à mesure que j’avance vers l’ouest, il se remplit de gants de coton blanc.
En traversant la province du Shanxi, je suis sans cesse arrêté par des enterrements. La première fois, dans la petite ville de Xinrong, c’est une foule d’environ 500 personnes qui obstruent la grand-rue. Elles assistent à une représentation donnée par une troupe itinérante d’opéra populaire à la mémoire d’un homme d’affaires, He Yu. Le défunt possédait le plus grand commerce de Xinrong et la troupe a été engagée pour jouer devant la boutique, sur un camion transformé en scène. Même décédé, He Yu continue à faire des affaires: pendant les sept jours que durent les obsèques, les villageois entrent jeter un coup d’œil dans le magasin chaque fois que les acteurs prennent quelque repos. Wei Fu, le chef de la troupe, sourit derrière son maquillage de scène et me dit que les enterrements représentent près de 80 % de son chiffre d’affaires. « Je partage bien évidemment la douleur des familles, mais c’est mon gagne-pain », s’excuse-t-il.

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