Jackie la magnifique

Jacqueline BissetRiche et célèbre, Jacqueline Bisset est aujourd’hui une grande actrice. Elle s’est vu long1 offrir des rôles sans intérêt. La femme objet a fait place à la comédienne. Elle a mené sa carrière avec intelligence, sans faire de concessions. Jackie est devenue une star. Pour le plaisir des yeux… et de l’esprit.

Vous pensiez la connaître par cœur avec ses yeux gris vert, son look à la Bacall, ses cheveux bruns qui ondulent sur les épaules et sa démarche romantique. Dans l’ascenseur, votre cœur en l’occurrence le mien bat plus fort. J’ai rendez-vous avec Jacqueline Bisset. Lovée dans un fauteuil de sa chambre de palace parisien, plus belle que sur l’écran ; c’est si rare, que l’on comprend mieux pourquoi en 1977, le magazine américain Newsweek, lui décerna le titre de « plus belle star de tous les temps ». Jacqueline Bisset le mérite plus que jamais. T-shirt rouge, foulard léopard, en jeans, elle ne joue pas les stars. Bye bye Marylin, adieu Greta. Bisset est d’aujourd’hui. Pourtant, on ne sait si la créature existe réellement ou si elle fait partie de notre imagination. Le côté superbe de la dame, avec sa connotation sexuelle, c’est qu’elle semble jouer à cachecache avec son image. La tigresse attaque plus sensuellement que jamais. « Quand on est comédienne, la beauté est un atout. Mais cela peut devenir un handicap si vous n’arrivez pas à prouver que derrière votre physique, il y a autre chose. Or les gens considèrent que la beauté et le talent sont incompatibles ». Jacqueline Bisset en sait quelque chose. L’extraordinaire succès du film « Les grands fonds » de Peler Yates (1977). dans lequel elle nageait à moitié nue, l’avait cataloguée star pour sa beauté et non pas comme une grande actrice. Une sorte de faire-valoir auprès des mâles du cinéma. La moutarde lui monta au nez et sans être une féministe à corps et à cris, elle décida alors de casser le miroir. Miss Bisset fuit les caméras. Trois années presque sabbatiques. « J’en avais ras le bol d’être la femme objet. Tous les rôles proposés mettaient en valeur ma plastique ou je ne disais que des phrases débiles ». A force de convaincre son entourage et les producteurs de sa volonté d’évoluer vers des personnages plus consistants, Jacqueline Bisset, reçoit, un jour de 1980, un scénario qui l’intéresse.

Jacqueline Bisset2« Riches et célèbres » est tiré d’une pièce de John Van Druden, jouée au théâtre dans les années 50 par Bette Davis. »Je voulais un grand rôle de femme, dans lequel je pourrais prouver une fois pour toutes mes capacités d’actrice. Avec ce script, raconte Jacqueline, c’était le cas. Pas de victimes, simplement dés gens s’efforçant de vivré comme ils le souhaitent leurs échecs, leurs réussites ». Une chance qu’elle saisit immédiatement. Elle téléphone à David Begelman, un producteur de la MGM, mais aussi un ami. Sentant la détermination de la comédienne, il lui donne son accord. Mieux : pour qu’elle soit impliquée totalement dans le projet, il lui offre de s’associer pour la production. « Riches et célèbres », histoire d’une amitié entre deux femmes écrivains, belles et intelligentes, permet non seulement à Jacqueline Bisset de changer de cap, mais à sa partenaire, Candice Bergen, de montrer tout son métier. « Candice est, dans la vie, le genre de personnage avec qui j’ai envie de partager une amitié. Au fil du tournage, nous nous sommes aperçues que nous avions de nombreux points communs », confie Jacqueline Bissel. Si le film est dans l’ensemble une réussite, il le doit à ses comédiennes, mais en grande partie à George Cukor, le meilleur « director » pour les dames. Quelques stars lui doivent leurs meilleures performances : Katharine Hepburn, Greta Garbo, Joan Crawford, Ava Gardner, Norma Jean et tant d’autres. Sa grande expérience stimule Jacqueline : « Je l’avais rencontré en 1965, à l’école New Talent, à Los Angeles, où je prenais des cours d’art dramatique. Durant sa conférence, il m’avait sensiblement impressionnée par ses explications sur la manière de tourner. Pour lui, les acteurs de la nouvelle génération ne travaillent pas assez vite. Cet exemple lui donne raison. Un bon film, c’est aussi un bon rythme ». La grève qui frappa les studios des major compagnies lors du tournage de « Riches et célèbres » faillit stopper le film. N’empêche que sur le plateau, malgré ses 82 ans, Cukor fut à la hauteur de sa réputation. « Exigeant, voire sévère. Mais il avait beaucoup d’esprit et de l’humour. Nous formions une bonne équipe. Même avec ses cheveux blancs, c’était un vrai jeune homme. Dommage qu’il nous ait quitté l’hiver dernier ». Avec son excellent français, teinté d’accent british, Jacqueline Bisset, nous rappelle qu’elle est la fille d’un médecin écossais et d’une avocate, d’origine française, qui appartint au barreau de Paris. La famille Bisset habitait, au début des sixties, dans une petite maison à toit de chaume, près de Reading. La jeune fille se rendait tous les jours à Londres, par le train, pour aller suivre ses cours au lycée français de la capitale britannique. Ses parents l’imaginaient alors comme un futur médecin. Mais à 18 ans, à l’époque de la Beatlemania, Jacqueline, ambitionne tout d’abord d’être danseuse et suit assidûment des cours de ballet. Pour gagner ses premiers pennies, elle travaille dans un coffee shop proche du lycée, le Heidi’s. Son charme, ses minijupes à la Mary Quant, séduisent les clients, qui lui laissent souvent un pourboire royal. Elle devient mannequin. Lors d’une présentation dé mode, elle est remarquée par un metteur en scène « in », Richard Lester (« Quatre garçons dans le vent » et « Help »). Il l’engage dans « Le knack… et comment l’avoir » avec Michael Crawford et Rita Tushingham. Un petit rôle, certes, mais qui lui permet d’aller à de nombreuses auditions. Roman Polanski, qui a choisi Londres pour ville d’exil, la rencontre. Elle dira quelques mots dans « Cul de sac ». Au générique, on préfère mettre son prénom en anglais. Traduction : Jackie. En 1967, elle tourne dans « Casino Royale », un James Bond pas tout à fait comme les autres, puisqu’il s’agit d’un pastiche du célèbre agent secret de sa Majesté. « Je commençais à aimer le métier de comédienne, explique Jacqueline. Un soir, alors que j’assistais à une party à l’hôtel Claridge de Londres, un ami me dit que le producteur Dino de Laurentiis était intéressé pour me prendre sous contrat. Il y avait là Darryl F. Zanuck, qui me fit la même proposition. Ce dernier me proposait de travailler à HollyWood.

Fureur sur la plageJ’ai signé avec lui, et à moi l’Amérique ! « Elle débarque en Californie, bien décidée à se battre. « Fureur sur la plage » de Harvey Hart (1967) ne déclenche pas l’enthousiasme de la critique, mais elle fait la connaissance de l’acteur canadien, Michael Sarrazin. Ils parlent tous les deux français. Ça aide. Ils resteront ensemble sept ans, menant une vie tranquille à Malibu. Puis, elle est choisie pour être la partenaire de Frank Sinatra dans « Le détective » de Gordon Douglas (1968). Dès lors. Jacqueline joue aux côtés des superstars du cinéma américain : Steve Mc Queen dans « Bullitt » de Peter Yates (1968), Burt Lancaster et Dean Martin dans « Airport » de George Seaton (1969), Paul Newman, Anthony Perkins pour « Juge et horslaloi » de John Huston (1971) et même Ryan O’Neal avec « Le voleur qui vient dîner » de Bud Yorkin (1973). « Ma carrière était alors bien partie, et j’étais devenue celle qui séduisait les hommes d’Hollywood. On m’appelait Super girl ! Alors que j’étais à la recherche de mon identité d’actrice ». Elle atteignait les sommets du box-office et les producteurs lui disaient « Surtout restez belle et vous serez heureuse ». L’envie de revenir travailler en Europe allait d’ailleurs lui poser des problèmes. Son agent, contacté par François Truffaut, essaya de l’en empêcher. Le réalisateur français écrivit plusieurs fois à Jacqueline, lui exprimant son désir de la diriger, notamment parce qu’il avait été enchanté par elle dans « Voyage à deux », de Stanley Donen, avec Albert Finney et Audrey Hepburn. En colère contre son agent, elle accepta le script de « La nuit américaine ». Les prises de vues eurent lieu dans les studios de la Victorine, à Nice. Elle interprète Julie, la star d’un film imaginaire, où l’on découvre les coulisses d’un tournage. Truffaut dit : « Elle est probablement la plus belle actrice avec qui j’ai tourné ». Depuis, il y a eu Fanny Ardant. Elle lui renvoie le compliment : « M. Truffaut est un metteur en scène qui aime les femmes. Vous le sentez. Il s’intéresse à leurs problèmes et à la psychologie féminine ». Elle se plaisait tellement en France, qu’elle enchaîna avec une comédie de Philippe de Broca, « Le magnifique » (Jean-Paul Belmondo était sous le charme, en auteur de polars dont elle nourrissait les rêves). Elle prit ensuite le train, comme confesse Andrenyi, épouse de Michael York, pour « Le crime de l’Orient Express » de Sidney Lumet (1974). Continuant ses voyages européens, Jacqueline Bisset s’empara de « L’empire du Grec » de Jack Lee Thompson.

L'empire du GrecAnthony Quinn succomba dans la peau du célèbre Onassis. Avant de faire « La grande cuisine » de Ted Kotcheff (1978) et des plats succulents pour Philippe Noiret et Jean Rochefort. Retour sur la côte Ouest, Miss Bisset, décidément superstar, tombe dans les bras de Charles Bronson pour « Monsieur Saint Yves » et dans ceux de Paul Newman, encore, pour « Le jour de la fin du monde » de James Goldstone (1979). Un film catastrophe, dans tous les sens du mot. Un retrait pour Jacqueline, devenue « L’emmerdeuse totale ». « Pourquoi ? C’est simple, je ne voulais pas me laisser manipuler. Tourner dans n’importe quoi, pas question ». Riche et célèbre, Jacqueline s’imposa à Hollywood (enfin !) comme une excellente comédienne. Aujourd’hui, c’est elle qu’on réclame, pour des rôles de femme qui n’ont pas qu’un physique à montrer. Avec « Class » de Lewis John Carlino, elle a accepté d’être la mère d’un adolescent qui aura un coup de cœur pour le meilleur ami de son fils. Le film, descendu en flammes par la critique américaine, fait un flop. Et puis, il provoque un petit scandale. L’affiche, qui montre Jacqueline Bisset entre deux garçons, est une supercherie. La comédienne y apparaît avec un poitrine opulente. Elle a été l’objet d’un savant montage pour la rendre plus alléchante. Jacqueline se fâche et intente un procès à la maison de production. De qui se moqueton ? La nouvelle Bisset n’a pas besoin de publicité érotique. Elle se veut libre. Ainsi, elle tourne actuellement à Cuernavaca, au Mexique « Au-dessous du volcan », le roman de Malcolm Lowry, adapté par John Huston. Face à Albert Finney et sous la direction du vétéran d’Hollywood, elle espère bien avoir fait le bon choix. « C’est un délice de travailler avec un homme pareil. Il est sensible, beau, et on ne peut pas lui résister ». Comblée dans son activité professionnelle. Oui. Comblée sur le plan de la vie privée. Oui. Avec le danseur soviétique, Alexandre Godounov. La preuve : Jacqueline a racheté les droits de « Ninotchka » pour un remake en sa compagnie. Elle succédera à Garbo. Il faut oser. Mais « la Bisset n’a les moyens de sa nouvelle politique, le talent et pardon Jackie le physique qui lui permettent toutes les audaces.

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